Lisbonne juive. Visite guidée
Alfama, emplacement d’une ancienne judaria
La visite commence par Alfama, près de ce que l’on appelle le « chafariz de dentro » (près du musée du fado). La fontaine intérieure ou plutôt l’abreuvoir, construit au 13 e siècle, se situe à l’intérieur de la muraille Fernandine, d’où son nom.
Alfama est alors la première judaria ou juiverie de la ville de Lisbonne, appelée plus tard « petite juiverie ». Mais on ne sait pas avec certitude où elle se trouvait.
Les juifs au XIV et XV e siècles représentaient à peu près 10 % de la population. Soit environ 100 000 personnes dans un pays qui ne comptait guère qu’1, 5 million d’habitants.
Ils seraient arrivés à Lisbonne avec les Romains qui furent maîtres de la ville jusqu’au III e siècle.
Lorsque l’on pénètre dans le quartier d’Alfama, sur le Largo de São Miguel (place) on découvre que le projet de Musée juif pensé pour occuper un bâtiment sur cette place ne se fera pas.
Un autre projet est à l’étude dans une autre partie de la ville. L’emplacement a été trouvé, et attribué par Lisbonne mais ce projet est pour l’instant au point mort.
Plus haut dans Alfama on trouve l’indication du soubassement de ce qui fut peut être la plus vielle synagogue de la capitale.
L’histoire des juifs de Lisbonne est encore méconnue.
Les vestiges de la présence juive sont rares
Au débouché des ruelles d’Alfama, la cathédrale. On l’appelle SÉ, pour Siège Épiscopal. Elle fut presque entièrement détruite par le tremblement de terre de 1755 puis reconstruite et énormément modifiée.
Sur le parvis du portail principal, des étoiles juives gravées dans la pierre. On ignore quand et pourquoi elles y ont été gravées.
L’étoile de David est un symbole récent. À l’époque médiévale c’est le chandelier à 7 branches qui représentait les juifs. Mais on trouve également des étoiles à six branches rouges
Cette étoile de David au pied de l’église Cathédrale de Maria Santa Maior contribue à renforcer le mystère.
L’ancienne Grande Juiverie
C’est en contrebas du quartier de la Sé, après une halte au niveau de l’église de Santo António , saint patron de Lisbonne, que l’on trouve la grande juiverie. Ou plutôt qu’on trouvait.
Comme le dit avec humour Anna la guide « Regardez-bien, la grande synagogue se trouve derrière moi… roulement de tambour…car il n’y a rien ! ».
En effet dans le quartier de la Magdalena il ne reste plus rien de l’imposant quartier juif installé à l’emplacement d’une partie de la Baixa d’aujourd’hui.
Il y avait là la grande synagogue, un hôpital, une prison, des commerces et des auberges.
Aujourd’hui on ignore l’étendue réelle de cette Juiverie vieille ou grande juiverie
Les juifs y vivaient déjà avant même la reconquête chrétienne de la ville en 1147.
Ils vivaient dans des quartiers définis et limités, leurs portes devaient être fermées le soir venues. Mais au contraire de ce que l’on peut penser, pendant longtemps ces restrictions n’étaient que des leurres.
Suivre Anna Loutsenko dans les ruelles et au travers des largos, écouter le récit qu’elle fait de cette histoire si mal connue nous fait entrer dans une autre dimension, mystérieuse et parfois inquiétante.
Le tribut des Sépharades : une histoire empêchée
Le Portugal tout comme l’Espagne doivent beaucoup aux Sépharades, le nom donné aux juifs de la péninsule ibérique.
Cultivés, savants ils avaient le talent de se rendre indispensables. Scientifiques, cartographes, médecins, chercheurs pour l’élite intellectuelle ils se sont mis au service des nobles et des rois.
L’épopée maritime- ces fameuses « découvertes » du reste du monde par le Portugal et l’Espagne- n’auraient pas eu lieu sans leur talent.
La plupart des juifs étaient réputés pour leurs qualités d’artisans : tailleurs, orfèvres, imprimeurs, maréchal ferrant etc… Le rabbinat qui se développe à l’époque ajoute les fonctions de collecteur d’impôts à celles de chef spirituel et du rôle de justice pour la communauté.
Alors que les juifs Portugais ont du déjà se serrer pour accueillir leurs congénères expulsés d’Espagne en 1492 , un événement marquant va alors se produire.
Le roi D. Manuel Ier du Portugal doit épouser en novembre 1496 Isabel, la fille des Rois Catholiques d’Espagne. La condition est claire : les juifs doivent partir.
Le roi Manuel qui craint de voir son royaume envahi par les Espagnols et veut s’assurer les bonnes grâces de son puissant voisin se résigne à les expulser….ou à se convertir.
Il fera tout pour empêcher leur fuite, voyant partir avec eux de grandes sources de revenus.
Mais à partir de là le sort réservé aux juifs ne va faire qu’empirer.
Le Rossio, place de la tristesse.
L’édit du roi D Manuel I prévoit des mesures de protection pour ceux qui se convertiront. Mais les sévices et les exactions contre les juifs qui existaient depuis longtemps vont se multiplier.
On ne croyait pas à leur conversion pourtant seule porte ouverte au droit à rester au Portugal.
Le pogrom d’avril 1506 qui s’est déroulé sur la place du Rossio et dans la Baixa, jusqu’au port, marque le vrai tournant dans le regard que porte les « Vieux Chrétiens » sur les conversos où Nouveaux Chrétiens.
Entre 1 et 2 milliers de personnes (peut être plus, selon les auteurs) seront massacrées pendant trois jours et trois nuits que se déroulera le massacre. Les juifs sont vite rendus responsables de la peste qui sévit alors à Lisbonne.
Nobles et rois ont fui la capitale en raison de la maladie et il n’y a personne pour les défendre.
Un monument émouvant commémore le massacre sur la place de São Domingos, devant l’église.
L’inquisition sera formellement constituée en 1536. Sa mission sera de pourchasser les juifs convertis ou Nouveaux Chrétiens accusés de pratiquer leur religion en secret.
Il faudra attendre 1772 pour que la différence entre Vieux et Nouveaux Chrétiens soit abolie.
L’histoire des juifs de Lisbonne et du Portugal sera alors pratiquement oubliée…
Jusqu’au début du XXe siècle et là encore une histoire à découvrir.
Suivez le guide pour la Lisbonne Juive
La visite « Lisbonne juive » de la guide Anna Loutsenko commence à Alfama, l’un des vieux quartiers de la capitale au tracé médiéval caractéristique.
Elle se termine place du Rossio près de l’église São Domingos.
Comptez environ 4 heures de visite. Une halte café est proposée en cours de route.
Anna est guide conférencière spécialisée. Elle propose des visites généralistes mais aussi spécifiques comme cette « Lisbonne juive » passionnante.
Visites sur mesure, en groupes constitués, conférences…
contactez Anna Loutsenko pour visiter en profondeur Lisbonne et ses environs.
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